Ce débat s’est voulu totalement libre, autant dans la forme que dans le fond, et je pense qu’il a respecté toutes ses promesses en ce sens. Tous ceux qui, sur les 250 à 300 personnes présentes, ont souhaité s’exprimer, ont pu le faire. Tous les avis ont pu être entendus, quel que soit le sujet, quel que soit l’orateur du moment. Et qu’est-ce un débat si ce n’est cet entretemps où l’on peut « frotter et limer sa cervelle contre celle d’aultruy » selon la belle expression de Montaigne ? Tour à tour vifs, enjoués, empreints d’empathie, de tristesse et parfois de colère, les échanges et les témoignages ont permis de parler franc sans verser dans la démagogie du consensus absolu.
Pourtant, dans les deux quotidiens régionaux, l’événement est qualifié de « meeting » et perd sa qualité initiale pour les auteurs. Pourquoi ? Parce que j’ai eu l’heur de répondre aux questions en compagnie du député Marie-France Lorho.
En somme la presse juge qu’un élu qui répond aux attentes de ses administrés, les écoute, se risque à les conseiller, voire marque son désaccord avec eux sur tel ou tel point détourne la finalité de l’événement. Ce préjugé systématique à mon encontre, j’y suis accoutumé, mais je ne dois pas le tolérer quand il verse dans l’erreur.
De manière transparente et ouverte, le débat a été retransmis et filmé, le tout sans censure, chacun peut en témoigner. Or le présupposé du meeting électoral laisserait entendre une parole unique, délivrée à l’avantage d’une seule personne, en vue d’une élection qui, ici, n’existe même pas. Or il n’en a rien été, et l’honnêteté intellectuelle commande de le dire.
Je note que, contrairement aux débats du président Macron que les journaux se gardent bien de qualifier de campagne électorale, aucune intervention n’était préparée : les échanges se sont donc pratiqués au même niveau comme dans une démocratie sereine.
La caractéristique de ce type d’articles est de refléter une vision médiocre de la parole politique. Celle-ci, pour les amateurs d’étiquettes et de calendrier, devrait se cantonner aux périodes de consultations électorales. Chez ces gens-là, la démocratie se pratique à petite dose. Je pense au contraire que la parole politique est totale dans le temps et dans ses sujets. Je ne me range pas à une conception homéopathique de la démocratie. J’y adhère en la vivant. Alors finalement, c’est peut-être cela être en campagne : ne jamais poser le camp, car, en fait, pratiquer la démocratie est suspect dans un régime qui s’en déshabitue.
Jacques Bompard
Maire d’Orange